Sellier militant, jérôme glorifie le travail à l'ancienne

Entre les mains du sellier, suspendu aux murs, plein les narines ; le cuir est partout. «Je veux que les gens s'imprègnent de l'odeur, de l'ambiance de l'atelier. Je veux

que ça leur rappelle les vraies années, celles où le travail était respecté», soit «avant 1950». Jérôme Lemperiere, sellier maroquinier militant, a posé ses outils rue Jean Moura le 15

juin. Dans son nouvel atelier comme dans l'ancien, à Villecomtal, dans l'Aveyron, il fait de son mieux pour «redonner aux gens l'envie d'aller voir un artisan». Le combat

contre les grandes surfaces et la production médiocre à la chaîne commence par la création d'un «objet unique, vraiment unique». Chez Jérôme, on ne travaille évidemment que le cuir

pleine fleur (soit le cuir entier, non-amputé de sa surface), où la vie de l'animal se lit parfois dans les lignes et les cicatrices. «C'est la surface qui fait la beauté et la

résistance» de ce cuir auquel il faut désormais donner forme. En bon sellier, il travaille pour les cavaliers, pour les chasseurs. Mais ce qu'il aime plus que tout, ce sont les étuis à

couteaux et, comme en témoigne la devanture, les sacs. Jérôme déborde d'admiration pour Hermès, «une maison où l'on respecte encore le travail», pour ses créations d'une

élégance «intemporelle». L'illustre Kelly a inspiré plusieurs de ses créations, dont les formes et les proportions définitives sont toujours le fruit d'une «navigation entre les

sacs ancestraux et la tendance» et d'une lecture des désirs du client roi. «C'est à moi de sentir leurs envies, de comprendre leur façon de vivre et la manière dont ils utiliseront

le sac.» On choisit le cuir (veau, vachette, iguane par petites touches...), sa couleur (acajou, cognac...), le fil que le maroquinier coudra à la main («un fil de lin et deux aiguilles, le

point noué dans le cuir, une qualité que la machine est incapable de reproduire») et enfin la bijouterie et la doublure. Jérôme manie un antique couteau demi-lune, au manche d'ébène et

à la virole de laiton. Un coupe bandes et une molette à griffer, fascinants instruments eux aussi fabriqués au début du siècle dernier. «Je les ai achetés à des artisans en fin de carrière.

Ils ont coupé des kilomètres de cuir, ils ont une âme», vibre le sellier, aussi habité que ses outils. L'art est difficile, et le client aussi. Surtout quand le sac pèse quelques

centaines d'euros, le prix du travail bien fait. Mais ses œuvres sont presque toujours comprises par son public, assure Jérôme. «Quand ils découvrent le modèle, dans 99,99 % des cas,

les clients me disent «c'est exactement ce que j'avais imaginé».