Pourquoi une démocratie ne se gère pas comme une entreprise

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Pourquoi une démocratie ne se gère pas comme une entreprise"


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Alors que les partis politiques s’enfoncent dans la défiance, les chefs d’entreprise grimpent dans l’estime publique. Mais cette tentation entrepreneuriale occulte une évidence démocratique


: on ne gouverne pas un peuple comme on dirige une entreprise. Et l’art du compromis ne se gère pas à coups de tableaux Excel.


Deux ans avant l’élection présidentielle, le discrédit des partis politiques semble plus grand que jamais. Les chefs d’entreprise, à l’inverse, bénéficient d’une image certes ambivalente


mais globalement bien plus favorable. De là à souhaiter que l’un d’entre eux devienne président de la République… Deux Français sur trois, selon un sondage Harris de janvier, y seraient


favorables. On peut les comprendre : ils comptent sur la compétence économique des grands patrons, sur leur recherche de l’efficacité et de la performance, sur leur capacité à travailler en


équipe et à déléguer… Quant aux sondés que cette idée laisse réticents, ils craignent qu’un entrepreneur ne connaisse pas assez le fonctionnement de l’Etat et privilégie abusivement


l’économie en général et les intérêts des patrons en particulier.


Tout cela, qui n’est pas sans pertinence, passe pourtant à côté de l’essentiel. Un chef d’entreprise n’est pas élu par ses salariés. Ce n’est pas eux qui le choisissent ; c’est lui, tout au


contraire, qui les choisit, par l’embauche, et qui peut s’en débarrasser (à condition de respecter le Code du travail) en cas de besoin. Nos élus doivent en rêver parfois. Comme la politique


serait plus facile si l’on pouvait choisir les électeurs ou se débarrasser de ceux qui gênent ! C’est le fond du problème : l’entreprise n’est pas une démocratie. Pourquoi une démocratie se


gérerait-elle comme une entreprise ?


Les scop (sociétés coopératives ouvrières de production) font exception : les salariés, qui sont propriétaires de l’entreprise, y élisent leur dirigeant. Je n’ai rien contre. Mais je ne


constate pas qu’elles soient pour cela mieux gérées ni plus performantes que les entreprises traditionnelles, qui appartiennent aux actionnaires et sont dirigées par le patron que ceux-ci


ont choisi. Puis une coopérative n’en peut pas moins embaucher et licencier, ce que la République ne saurait faire vis-à-vis de ses citoyens. Enfin, et surtout, un pays n’est pas une


coopérative : les conflits y sont la règle, bien plus que la convergence d’intérêts ! C’est ce que le modèle entrepreneurial méconnaît. Qu’il y ait des conflits, dans une entreprise, c’est


une évidence. Mais le pouvoir n’y est pas à prendre : ce sont les actionnaires ou le conseil d’administration qui en décident. Dans une démocratie, au contraire, le pouvoir est toujours à


prendre (pour l’opposition) ou à conserver (pour la majorité). Aussi les conflits y portent-ils sur l’essentiel : qui gouverne et dans quel but ? On reproche souvent aux élus de trop se


soucier de leur réélection. Autant leur reprocher de bien faire leur travail !


Que cette élection ne soit qu’un moyen, point une fin en soi, c’est ce qui distingue les hommes d’Etat des carriéristes. Mais que ce moyen – le suffrage universel – reste un passage obligé,


c’est ce qui distingue, dans une démocratie, un chef d’Etat d’un chef d’entreprise. Que les deux puissent et doivent avoir des qualités de manager (savoir motiver, écouter, déléguer…), j’en


suis d’accord. Rien n’empêche donc qu’un chef d’entreprise fasse un bon président de la République. Mais ne reprochons pas à nos élus de nous traiter comme un peuple souverain, auquel ils


doivent obéir, plutôt que comme des salariés, qui leur obéiraient, ou des clients, qu’ils devraient satisfaire. Le management ne fait pas une politique. Le clientélisme encore moins.


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