Avec 596 000 abonnés en 2024, le monde a réussi son virage numérique

La publicité continue d’assurer une bonne partie (21 %) des revenus _du Monde_, tout comme les ventes au numéro (16 %). Mais le journal a surtout renforcé la puissance de sa rédaction en

ligne. En dix ans, les effectifs de journalistes sont passés de 310 à plus de 540. Un investissement assumé, qui devrait être amorti à partir de 2026. _« L’an prochain, les revenus des

abonnements numériques seront assez importants pour financer le coût de la rédaction »,_ explique Louis Dreyfus, le président du directoire du _Monde _à _Challenges_. L’objectif ? Alimenter

son site d’actualité en continu et renforcer la productivité du journal. L’autre grande décision stratégique a été de rendre la majorité des articles payants, au risque de frustrer les

visiteurs du site. C’est Xavier Niel, l’un des membres du trio d’investisseurs entrés au capital _du Monde_ en 2011, qui a soufflé l’idée. « _Il a été de bon conseil à l’époque. Il faut

revendiquer que ce que vous produisez a un coût, disait-il _», raconte Louis Dreyfus. Exit donc les kiosques à journaux en ligne, comme Cafeyn, et les bouquets de presse vendus par les

opérateurs, comme SFR Presse. Le journal se tourne vers Google pour casser le prix de ses abonnements numériques, assumant de passer un pacte avec l’ogre américain. A la différence d’autres

médias français, _Le Monde_ n’a eu aucun scrupule à signer des partenariats avec les géants de la Silicon Valley pour protéger sa place de leader de l’information. Un an après avoir signé un

accord avec OpenAI, le groupe de presse a passé en mai dernier un contrat avec le moteur de recherche Perplexity AI. Ses articles y seront référencés. En échange, le journal recevra une

compensation en droits d’auteur. Une ligne de revenus supplémentaire, qui s’ajoute aux « droits voisins » payés par les géants du numérique à chaque fois que ces derniers rediffusent ses

articles. Et le papier dans tout cela ? Les abonnements au journal papier calent à 74 000 abonnés, selon les chiffres de l’ACPM en 2024. Une perte de vitesse, qui s’accentue avec les années

pour tout le secteur. _Le Monde_ n’envisage pas pour autant d’en arrêter la diffusion, malgré la baisse annuelle de 10 % qui affecte les ventes de journaux en kiosques et le risque de voir

les tarifs de postage augmenter dans les prochaines années, sous la pression du directeur de La Poste, Philippe Wahl, qui souhaite renégocier le contrat de distribution passé avec les

éditeurs de presse. _« Nous ne sommes pas du tout dans cette perspective _»_,_ assure Louis Dreyfus.__ « _En période d’actualité forte, les ventes en kiosque peuvent monter_ », veut croire

le président du directoire. D’autres titres ont pourtant déjà pris ce chemin, ou y réfléchissent. En mai dernier, le journal gratuit _20 Minutes_ a annoncé la fin de sa formule papier pour

des raisons financières. De son côté, la direction du quotidien économique _Les Echos_ aurait étudié la possibilité de mettre fin à sa parution papier à partir de 2028. Selon _L’Informé,

_une analyse stratégique a été menée pour anticiper les conséquences d’une telle disparition programmée. Le quotidien pourrait y perdre un quart de ses ventes.