L’architecture peut-elle sauver le monde ? Non, mais…

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Qu’est-ce que l’architecture ? Il existe autant de définitions du mot _architecture_ qu’il y a d’architectes, urbanistes, paysagistes, théoriciens de l’architecture et d’habitants sur terre.


Pour certains, dont moi, presque tout ce qui est habité, ce qui abrite, tout espace ou construction est architecture. D’une ruine archéologique à un bidonville ; d’une caverne habitée à


Matera aux gratte-ciel d’une métropole ; d’un pont à une hutte ; en passant par les villes, villages et les paysages agricoles. Beaucoup d’environnements en apparence naturels sont des


formes d’architecture du paysage qui, bien que moins dessinées qu’un jardin à la française, constituent des transformations réalisées par les êtres humains. De même que les architectures non


construites sont aussi des formes d’architecture : dessins, idées, recherches, histoires et théories, discours et débats, etc. Tout ce qui nous entoure est architecture, qu’elle soit de « 


bonne ou mauvaise qualité », qu’elle ait été ou pas dessinée. Que l’on accepte cette très vaste définition ou qu’on se limite à la seule notion de projets de bâtiments, il faut souligner que


l’architecture est liée à d’autres disciplines : écologie, économie, ingénierie, histoire, sociologie, arts plastiques, politique, philosophie, mathématiques, géométrie, stéréotomie (la


taille des pierres), agronomie, etc. Au néolithique, les changements climatiques ont forcé femmes et hommes chasseurs-cueilleurs à s’organiser en premières formes de sociétés égalitaires et


collaboratives pour échapper à l’extinction. C’était la naissance de la révolution agricole et de l’élevage. Un processus qui a été accompagné par la sédentarisation et la naissance des


premiers centres habités. UN MUR, DES GUERRES Comme bien d’autres sites archéologiques, Çatalhöyük, en Turquie (7500-5700 av. J.-C.), nous montre une première phase de communisme primitif,


dans lequel l’équilibre social des centres habités se traduisait par l’égalité dans l’habitat. Petit à petit, les sociétés ont commencé à développer la notion – non naturelle – de propriété,


et l’accumulation de richesses aux mains de quelques-uns. C’est la naissance des classes dominantes et des dominés. Puis ce fut la naissance des religions, l’apparition des guerres. Villes,


architectures et territoires ont été les lieux de développement et d’accélération de ces phénomènes : apparition de maisons misérables, palais des élites, fortifications pour les guerres…


Technologies, typologies, langages et styles architecturaux ont évolué et nous voyons encore aujourd’hui les vestiges de ces grandes étapes. L’architecture, tout en servant les intérêts des


riches, a produit une infinité de contributions collectives ; mais un espace intérieur, une place bien dessinée n’ont pas d’idéologie. C’est ce qu’on en fait, ou ce que l’architecture


évoque, qui est idéologique. D’où la nécessité d’étudier l’histoire dans nos écoles d’architecture, un enseignement en voie de disparition. LE MONDE CONSTRUIT Même dans des contextes


d’injustices sociales, certaines architectures ont su introduire des améliorations fondamentales : des aqueducs romains au système routier de l’Empire Perse, de la première infrastructure


hospitalière à Milan (1456) aux grandes avancées sociales de l’architecture moderniste, etc. Sans oublier les moments où l’architecture a exprimé – permis – des poussées collectives, quand


la majorité opprimée a pris le contrôle de son destin. Rappelons la phase constructiviste russe pré-stalinienne ; les expériences de Weimar ; la reconstruction socio-démocrate européenne de


l’Après-guerre, etc. Mais là aussi, les architectures n’ont pas été la cause de ces améliorations : elles ont été déterminées par la poussée sociale. En somme : le cadre bâti reflète la


société qui le produit. À tel point qu’actuellement il est, aussi, une des principales causes de pollution de la planète. Et son importance est inversement proportionnelle à l’attention


qu’on y accorde. On n’en parle ni dans les débats politiques, ni dans les conversations quotidiennes. Si les journaux ont des rubriques de sport, économie, politique, sciences, l’attention


portée aux questions urbaines est quasi inexistante. Avoir un avis critique sur ces thèmes permet pourtant d’en comprendre bien d’autres. Il ne s’agit pas de se faire une opinion sur la « 


beauté » d’un bâtiment mais de débattre sur l’avenir de nos villes, la reconversion écologique du monde construit, la sauvegarde de territoires à l’heure des changements climatiques.


COMPRENDRE LES USINES Dans une société de plus en plus urbaine, comprendre la ville c’est comprendre la société. C’est, paradoxalement, relativiser aussi l’influence de l’architecture dans


certains problèmes. C’est comprendre le poids des questions sociales et démocratiques dans nos centres urbains. C’est pousser plus loin les actions de l’architecture. Je provoque souvent mes


étudiants avec des cas qui mettent au jour leurs contradictions idéologiques. Dans notre métier domine l’idée qu’un projet, à lui seul, peut tout changer en mieux. Le quartier de Sesto San


Giovanni, où j’ai travaillé sur un projet de reconversion urbaine en 2006, dans le bureau de Renzo Piano, est considérée comme une banlieue milanaise « moche » et sans attrait. Avec ses


aciéries et usines en tous genres, une ville en grande partie bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale, on y trouvait jusqu’aux années 1990 peu d’architectures de qualité. Pourtant,


c’était un quartier « heureux ». Les habitants étaient fiers d’y habiter, et ce en dépit de la pollution et d’un paysage urbain banal. La population de ce quartier était insérée socialement,


on y connaissait le plein emploi. Les habitants étaient des activistes fiers de leur histoire – la résistance contre le fascisme. Ils étaient à la fois fiers de leur travail et conscients


de leur condition d’exploités dans les usines Falck. Depuis, les usines ont fermé : chômage, pauvreté, racisme se sont installés. La mairie et les architectes tablent sur de grands projets


spéculatifs. Les cathédrales industrielles, elles, ont été détruites pour vendre l’acier aux Chinois, dans le désintérêt collectif. Maintenant, oui, c’est devenu une partie « moche » de


Milan. L’ARCHITECTURE N’EST PAS LA PANACÉE La banlieue parisienne est un autre exemple que je donne souvent : supposons que nous échangions les habitants actuels des HLM de La Grande Borne,


contre de nouveaux habitants de classe moyenne, des bobos sympathiques, et que la population défavorisée de Grigny s’installe dans un bel arrondissement parisien. L’architecture des HLM, à


elle seule, est-elle capable de produire du malheur, de la violence urbaine et de l’exclusion sociale ? L’architectures haussmannienne peut-elle résoudre les problèmes des chômeurs ?


Probablement pas. Cet exemple simpliste montre à quel point le problème des villes n’est pas lié – seulement – à l’architecture. Certes, des « boîtes à chaussures » n’aident pas à sortir d’


une situation défavorable, mais c’est l’ensemble de ces difficultés qui en déterminent la réelle problématique. À mes étudiants, je dis qu’une « bonne architecture » est une architecture


bien pensée, s’insérant de manière sensible dans le tissu urbain, qui construit l’avenir au travers d’une construction responsable, flexible d’un point de vue fonctionnel, contribuant au


plaisir des yeux et de l’intellect, participant à la construction d’une société meilleure, se nourrissant des apprentissages du passé. J’explique, aussi, que même la « meilleure » des


architectures n’aura jamais les effets que des droits sociaux peuvent apporter. Non, l’architecture, à elle seule, ne peut pas changer le monde. Et c’est paradoxalement pour cette raison


qu’il faut en parler davantage. Les architectes et les urbanistes peuvent contribuer au changement, mais à condition que le changement émane de la collectivité. Que les architectes,


expression de cette collectivité, sachent interpréter ces exigences et changements sociaux, participant à un projet d’avenir. Comme à l’époque du néolithique, la survie de notre espèce – et


de l’architecture comme métier – en dépendent.


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